Au début, pour enregistrer la mesure, on la reportait sur un disque de bois, percé de petits trous et sur lequel une rose des vents était dessinée. En plaçant une petite pinoche, un petit cône de bois, dans le trou correspondant au cap suivi corrigé de la dérive estimée et à la distance parcourue depuis la mesure précédente, l’officier enregistre la mesure. A la fin de son quart, à l’abri des embruns, il reporte tous les événements de son quart sur un cahier, dont les éléments relevés sur sa planchette.

Le cahier s’appelle tout naturellement, en français le livre de loch ou « log book » en anglais.

Le mot français « loch » nous vient du normand par le néerlandais comme beaucoup de mots du vocabulaire maritime français. Et désolé, le mot « loch » n’est ni breton ni écossais, donc rien à voir avec un serpent de mer. C’est sans doute le film « 1492 Christophe Colomb » , dont les images ci-dessus sont extraites, qui représente le mieux la technique. Le « livre de loch » et le « journal de bord » sont deux documents différents. Le dernier étant rédigé par le capitaine. Par la suite, la technique de mesure a évolué et on a utilisé une corde à nœuds terminée par une espèce d’ancre flottante, et on s’est mis à « filer des nœuds ». Les termes précédents sont cependant restés, bien que la nouvelle technique n’utilisa plus de buchettes et maintenant plus de corde à nœuds, mais le terme désigne toujours la vitesse, en milles marins par heure, sur les navires et les avions.

C’est là que notre mot commence à dériver. Les anglais, peuple maritime plus que les français, ont introduit le terme « log book » dans leur vocabulaire comme un journal dans lequel on enregistre des événements et on le retrouvera dans les mots valise* « Blog » et « Vlog » . C’est donc tout naturellement que les premiers ordinateurs enregistraient les événements dans un fichier d’événements: « log file », que nous avons traduit de façon peu imaginative, « fichier de logs ».

Les premiers ordinateurs coûtaient cher. Au début, ils n’étaient utilisés que par groupe réduit bien identifié de collaborateurs de l’entreprise ou de l’organisation. Rapidement d’autres départements se sont mis à utiliser les ressources de ces machines. La question s’est alors posée de répartir les coûts d’exploitation entre les utilisateurs. La solution évidente a été d’obliger les utilisateurs à s’enregistrer le temps de l’utilisation, en anglais « log in » pour s’enregistrer et « log out » pour quitter ou terminer sa session. Pour éviter que les petits malins de départements ne souhaitant pas participer aux frais des coûts d’exploitation des mainframes se connectent en catimini, on a introduit des mots de passe. Les départements renégats ont souvent été les premiers à adopter les PC, mais c’est une autre histoire.

Hier, nous devions nous enregistrer pour partager les coûts d’utilisation d’une machine, aujourd’hui c’est pour des raisons de sécurité.

Rassurez-vous, j’ai aussi entendu des gens parler de « pied de pilote » pour dire qu’ils prenaient une marge de sécurité sur leur projet, sans savoir d’où venait l’expression. Si vous avez aimé cet article, nous nous reverrons sur le « facteur π » et son rapport avec le pied de pilote. Les marins ont une formule pour qualifier leurs collègues qui voyagent sans mettre le pied à terre: « naviguer comme une valise ». Vous ne ferez plus d’informatique comme un porte-manteau.

Hugues Sansen

* Personnellement, j’aime beaucoup le mot « porte-manteau » de Lewis Caroll, le porte-manteau étant selon lui une valise.