Chat GPT ne sait pas qu'il sait
Récemment, je me suis amusé à interroger Chat GPT sur sa connaissance de l’histoire de l’intelligence artificielle en lui demandant quel avait été le premier système auto-apprenant. La sémantique du mot « système » est bien sûr importante dans la question. Il m’a sorti la même rengaine que celle qu’on enseigne aux informaticiens qui veulent s’orienter vers l’intelligence artificielle en me citant le Percetron de Frank Rosenblatt en 1958. Ce à quoi je lui écris que je pensais qu’il y avait eu des systèmes auto-apprenants plus anciens. Il s’est mis à tourner autour des années 40/50. Je lui ai demandé si la régression linéaire n’était pas un algorithme auto-apprenant. Il m’a bien sûr répondu que j’avais raison et qu’on devait la technique à Adrien-Marie Legendre et Carl Friedrich Gauss. Ce à quoi je lui ai dit que je pensais qu’on pouvait dater cet algorithme du XVIIème siècle, voire du XVIème. Bien sûr, en s’excusant, il me dit que j’avais encore raison et, qu’au XVIIème siècle, Johannes Kepler avait utilisé la méthode des moindres carrés ou méthode de Moivre et qu’on pouvait même remonter au XVIème siècle avec Gerolamo Cardano et sa méthode de minimisation des sommes de carrés.
En fait, il y a une machine auto-apprenante, datant du XIXème siècle, mais il ne l’a même pas évoquée. Elle n’est sans doute pas non plus celle à laquelle vous pensez. Je la garde pour un prochain post, quand j’aurai publié un papier qui explique comment j’utilise son principe en intelligence artificielle.
La morale
Si vous utilisez ce genre de technologie sans connaître le sujet, non seulement vous ne serez pas innovant mais en plus vous risquez de passer à côté de ce que vous recherchez. Interroger ce genre de technologie, c’est la cuisiner, la pousser dans ses retranchements, tout en la contrôlant. Et qui donc le fera-t-il mieux qu’un littéraire qui aura appris l’histoire, la philosophie, la rhétorique? Qui donc pourra mieux interroger un système de génération d’image qu’un historien de l’art?
Comme toujours, la valeur de la réponse dépend de la qualité de la question.
Pourquoi vous en parlé-je?
Il y a peu de temps, alors que je décrivais mes travaux en IA dans une petite assemblée, une jeune femme est venue me voir en me disant qu’elle était intéressée par ce que je faisais. Elle était « IA prompter », enfin je préfère méta-programmeur. Par curiosité je lui ai demandé sa formation. Comme honteuse de ne pas être une pure techie, elle avoue philosophie à la Sorbonne. Et elle avait lu Charles Sanders Pierce, Bertrand Russel et d’autres, bien sûr . Fantastique! C’est le profil ad hoc pour ce genre de tâche. Qui d’autre qu’une littéraire peut remettre en forme la question d’un client et adopter la bonne sémantique pour questionner une machine qui ne sait pas ce qu’elle sait.
Comme devoir de vacances, je lui ai demandé d’ajouter Kurt Gödel et Alexandre Grothendieck à sa bibliothèque ainsi que quelques livres d’IA.
Elle a rejoint la communauté SpringCurve. J’espère qu’elle nous fera le plaisir de nous décrire comment elle utilise les outils en ligne pour générer des images et du texte. Je crois même que nous allons avoir un projet ensemble, je veux dire un projet professionnel, bien entendu.
Beaucoup de grands personnages de l’informatique ne viennent pas de l’informatique. Kent Beck, que j’ai rencontré alors que je travaillais chez Gemstone Systems, a fait des études d’art à l’Université de Portland, Oregon. Il est le créateur de la « Programmation Extrême » et l’un des quatre piliers fondateurs de la « Programmation Agile ».
Hugues Sansen
